Le parcours heuristique d’un faiseur d’image

MAL FLORAL
Boîte lumineuse intégrée à l’architecture.
2017, 5,5 x 1,4 mètres / 17,9 x 4,5 pieds.
Installation permanente dans le hall du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke

Lancement le mercredi 13 septembre 2017, 17h

Crédit photo: Imacom Pierre Viger


Le parcours heuristique d’un faiseur d’image

Entrevue par Bruno Levesque

 

D’abord « drummer » dans des groupes punks, puis vidéaste, Sébastien Pesot a vu son parcours artistique se dessiner progressivement. Chargé de cours en arts visuels à l’UdeS, le jeune punk qu’il fut endosse son statut d’artiste avec de plus en plus de conviction.

Au départ, qu’est-ce qui vous a attiré vers l’art?

On peut dire qu’il s’agit d’une vocation tardive. Au départ, j’étais « drummer » dans des groupes punks. Et la pensée punk, avec son « No future », ne mène pas directement à une carrière toute planifiée… On montait des spectacles, on faisait des affiches, des « flyers », on sérigraphiait nos t-shirts, on enregistrait notre musique, on organisait des tournées au Canada ou en Europe, mais tout ça demeurait dans la marge, c’est-à-dire dans la scène punk.

Puis je me suis inscrit en cinéma à l’Université de Montréal. Mais j’ai vite réalisé que je ne travaillerais pas en cinéma, un monde hiérarchisé très loin de la culture punk. Je me sentais – et je me sens toujours – plus à l’aise dans une structure plus légère. J’aime le côté « do it yourself » caractéristique du punk.

Et comment on passe du cinéma aux arts visuels?

Par la vidéo! En même temps que je faisais ma majeure en cinéma, je faisais une mineure en arts visuels. C’est là que j’ai découvert la vidéo d’art et que je me suis passionné pour cette forme d’expression artistique. Pendant longtemps, je me suis défini comme vidéaste.

La vidéo comme médium d’expression artistique, comme la peinture ou la sculpture…

J’ai tout de suite aimé travailler avec des images en mouvement. J’ai d’abord fait des vidéos que je présentais sur un seul écran ou dans un seul cadre. Mon but était de filmer le réel d’une autre façon, de le déconstruire. J’ai été longtemps fasciné par les possibilités créatives et la liberté que la vidéo d’art me permettait. Ma démarche artistique a évolué au fil des projets. J’ai commencé à ajouter des cadres pour créer des installations vidéos dans lesquelles plusieurs images cohabitent et qui amènent le spectateur à regarder 2, 3 ou 4 films en même temps, mais aussi des photos, des gravures.

Et tout ce travail vous a tranquillement amené à exposer dans les galeries d’art. On est loin de la marginalité punk…

Oui et non. En un sens, c’est vrai que le monde de l’art visuel contemporain se situe assez loin de la culture punk. Par contre, le côté « do it yourself » demeure et les thématiques que j’aborde sont souvent reliées à mon passé de punk rocker. Prenez l’exposition L’Anatomie du bling que j’ai présentée au Musée des beaux-arts de Sherbrooke en 2015, plusieurs éléments de cette exposition avaient de vieilles cordes d’instruments de musique comme matériau de base. On retrouvait des cordes sur de grandes photographies, dans des vidéos, etc. C’était une manière de m’approprier et de détourner ces objets qui ont été importants musicalement en les faisant résonner autrement, d’où le titre. Le détournement de sens est une approche que le punk utilise et que l’on retrouve dans l’art post-punk. C’était aussi pour moi une façon de rendre hommage à mes amis musiciens.

Vous exposez maintenant partout…

Ça s’est fait petit à petit. On m’a proposé une exposition. Puis une autre a suivi et ainsi de suite. Je n’ai jamais planifié tout ça. Je ne me suis jamais dit : « Je vais devenir un artiste ».  La Galerie HoRace de Sherbrooke – maintenant Sporobole – a présenté l’exposition Camera Orchestra, ma première installation audiovidéo. Puis il y a eu la Maison de la culture Côte-des-Neiges, la Galerie d’art de l’UdeS, L’Espace F à Matane, Le Lieu à Québec, deux séjours à Berlin comme artiste en résidence…

Et plus récemment Opus Focus présentée au Festival de la francophonie à Hong Kong et In a Post-World : Post-Punk Art Now, au Invisible Dog à New York…

Quand je vous disais que le punk n’est jamais loin… À Brooklyn, c’était nouveau pour moi car j’ai organisé l’exposition. J’ai choisi les artistes avec qui je voulais travailler. Je suis allé chercher le financement. J’ai même édité l’immense publication Post-Punk Art Now, qui faisait partie intégrante du projet. L’exposition et la publication (voir plus bas le texte Post-Punk Art Now) regroupaient onze artistes et auteurs québécois, huit new-yorkais, un anglais et un français qui, d’une certaine façon, intègrent l’esprit punk dans leur travail artistique. C’était une façon de réfléchir sur l’influence du punk aujourd’hui, notamment dans l’art actuel.

J’en profite d’ailleurs pour remercier l’Université de Sherbrooke qui, en 2014 – avec le Conseil des arts du Canada – a été le partenaire principal de la première édition de cette exposition puisque qu’elle a reçu l’exposition dans un grand espace alors vacant du Campus de Longueuil.

Et que le futur vous réserve-t-il?

La Galerie Dominique Bouffard de Montréal présente Noir floral en septembre 2017, une exposition qui est une sorte de prolongement de Mal Floral, que j’ai présentée à la Maison de la culture Mont-Royal l’an dernier. J’ai habité la campagne pendant les 10 dernières années. Mais je restais fondamentalement plus culture que nature malgré l’endroit où j’habitais. Je suis parti de mauvaises herbes qui poussent autour de chez moi et je les représente d’une façon différente. Le titre de l’exposition est un clin d’œil aux Fleurs du mal de Baudelaire.

D’ailleurs, une de mes œuvres en lien avec cette exposition sera bientôt installée dans le hall du Centre culturel, ici à l’UdeS. Le dévoilement devrait avoir lieu au printemps 2017 alors je ne peux pas vraiment vous en dire plus….

Puis, en 2018, le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul va présenter, Opus Focus, qui intégrera Mal Floral ainsi que Noir Floral et qui sera une sorte de rétrospective de mon travail des dernières années .

Et quels messages souhaitez-vous passer à travers ces œuvres?

Je ne cherche pas à communiquer un message qui est composé de mots. L’œuvre constitue le message. Je propose des images qui, je l’espère, ont un impact sur les gens qui les voient. Déjà, d’être artiste, ça constitue une manière de communiquer, de prendre position dans la société. C’est déjà une affirmation.

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