La tribune: Le punk réinterprété

Batteur dans différents groupes, Sébastien Pesot s’est inspiré de l’influence que la musique punk-rock a eue sur sa vie pour créer Opus, sa nouvelle exposition solo présentée au GRAVE de Victoriaville jusqu’au 12 décembre.

Dans le premier volet de sa 16e exposition depuis 2006, le chargé de cours à l’Université de Sherbrooke combine six photos des séries Crash et Pavillon, dont les principales, immenses, font deux mètres et demi de hauteur et de largeur. On peut y voir des plans rapprochés de cymbales ainsi que de l’embouchure d’une trompette, instrument que l’artiste a joué pendant plusieurs années, avant d’être «sauvé» par le punk. Cette série fait donc le pont entre son passé de percussionniste et sa pratique actuelle.

«Mon travail des dernières années est axé sur les rapports rythmiques, graphiques et sémantiques entretenus entre le son, l’objet et l’attitude formelle du musicien utilisant son instrument de musique. J’ai joué beaucoup de musique dans le passé et je me suis demandé, à un moment donné, de quelle manière l’utilisation intensive d’un objet produisant des sons avait pu influencer ma démarche artistique et de quelles manières je pouvais m’approprier ces instruments une seconde fois, mais dans un contexte tout à fait différent, celui des arts visuels», affirme l’artiste, attiré par la philosophie postpunk de Philippe Nassif.

Le rythme sur le corps

À cette exposition de photos s’ajoute un volet installatif. L’oeuvre A cappella est composée de trois écrans synchronisés présentant aux deux extrémités des profils de l’artiste se faisant face. Au centre, des dizaines d’images d’instruments de musique effectuent un trait d’union muet entre l’artiste et son double. Cet impossible duo de Pesot donne lieu à une improbable composition.

Dans l’autre pièce, on assiste à Instrumentalisation, une autre installation composée de courts métrages présentant le corps de l’artiste divisé en trois écrans superposés. Cette fois, il frappe des rythmes sur son corps. Le déphasage des trois enregistrements donne un résultat inédit.

«Lorsque j’étais batteur, il m’arrivait souvent de frapper machinalement sur mon corps par nervosité ou parce que j’avais un rythme en tête que j’essayais de développer. J’ai décidé de récupérer cette idée et de manipuler la discontinuité du son et de l’image, en décomposant les proportions du corps, la rythmique ou de la continuité narrative. Ça donne plusieurs jeux d’expérimentation», ajoute le Sherbrookois.

Ces difficiles démarches artistiques

Afin de faire le lien entre les deux salles de la galerie, Sébastien Pesot présente une vidéo intitulée Démarche orchestrale, un pied de nez à cet impératif pour chaque artiste de rédiger une démarche artistique pour expliquer son approche. Un passage obligé souvent laborieux… «J’ai filmé un gros plan de ma bouche en train de lire ma démarche artistique. J’ai ensuite remplacé plusieurs mots par des sons de trompettes et de cymbales, ce qui rend le tout incompréhensible, transformant toutefois ce texte en composition hybride», précise l’artiste.

Sébastien Pesot se concentre sur l’exploration de la plasticité de l’image et du sens. Après avoir principalement réalisé des monobandes, il s’applique maintenant à sortir l’image du cadre de l’écran en la réinjectant dans le monde matériel par son déploiement dans l’espace physique.

«Le fait de tourner la caméra vers moi m’a permis de transformer ma pratique, je n’ai pas cette même distance sur le contenu. C’est moi. C’est assez spécial au début, je n’aimais pas nécessairement me voir, mais ce n’est pas tant ce que j’ai l’air qui est important», dit le natif de Rimouski.

Après avoir participé à l’exposition collective Dans un monde post : un événement post-punk à Montréal au cours des derniers mois, Sébastien Pesot sera de retour à Sherbrooke, pour une exposition solo au Musée des beaux-arts, en février 2015.

Yanick Poisson

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